4 août 2008

CLAUDE KLEIN


FABLE POUR LE MOIS D’AOÛT


Il était une fois un Organisme qui désirait ardemment gouverner dans la plus grande transparence possible. Pour cela, il avait réuni ses partisans. Ensemble, ils avaient voté un Fonctionnement-décidé-par-tous-dans-le-plus-grand-enthousiasme.

Personne n’avait semblé remarquer qu’ici et là quelques personnages faisaient la moue. Ils trouvaient cet enthousiasme un peu infantile et ce désir de transparence inapplicable pour qui veut gouverner d’une main de fer dans un gant de velours fût-il synthétique.

D’autres encore –Grands Malins - riaient sous cape : « Les imbéciles ! En oubliant de fonder leur système démocratique sur des bases réellement nouvelles, ils ouvrent la porte à toutes les manœuvres possibles dans la course au pouvoir. »

Les uns et les autres avaient raison. Acceptant une dérogation ici, et, là, un passe-droit, l’Organisme n’établit pas les mêmes règles pour tous dès le départ. Il oublia même de terminer son travail de mise en place du nouveau Fonctionnement-décidé-par-tous-dans-le-plus-grand-enthousiasme.

Que croyez-vous qu’il arriva ?

Quand l’Organisme eut à prendre des décisions importantes dans un contexte, disons, embrouillé, les Grands-Malins surent tirer leur épingle du jeu en jouant de leur influence et de leur connaissance de l’Organisme. Les autres appliquèrent les règles du Fonctionnement-décidé-par-tous-dans-le-plus- grand-enthousiasme. Les Grands-Malins les contrèrent : « Vous êtes gentils tout plein mais encore bien tendres. Laissez-nous faire. Nous savons mieux que vous ce qui vaut mieux pour vous et pour l’Organisme. » Pour eux surtout.

Les croyants en un Fonctionnement-nouveau-décidé-par-tous-dans-le-plus-grand-enthousiasme maintinrent leur décision, sûrs qu’en s’y conformant ils restaient fidèles au désir de transparence de leur leader.

Que croyez-vous qu’il arriva ?

Les personnages qui avaient fait la moue décidèrent en faveur des malins manœuvriers.

Certains croyant encore au Fonctionnement-nouveau-décidé-par-tous-dans-le-plus-grand-enthousiasme pensèrent que pour sauver l’organisme de l’ornière du passé manœuvrier ils devaient s’opposer à cette décision surprenante.

Ils adoptèrent donc une position contraire à celle des Grands-Malins. Ces derniers fort mécontents de leur opposition, s’attelèrent à les dégommer vite fait bien fait. Dans leur volonté de faire table rase ils oublièrent le présent, et, utilisèrent l’ancien mode de procédure. Ah là-là !
Les ‘vous-êtes-gentils-tout-plein’ le leur firent remarquer. La procédure s’arrêta-là.

Cependant les Grands-Malins voulaient rester les plus malins à tout jamais. Alors, ils se mirent vite au travail et terminèrent le travail de mise en place du nouveau Fonctionnement-nouveau-décidé-par-tous-dans-le-plus-grand-enthousiasme.

Que croyez-vous qu’il arriva ?

Les ‘vous-êtes-gentils-tout-plein-à-dégommer’ furent invités à se présenter devant un Aréopage. C’était pour y être jugés. Il leur fut dit que leur attitude avait été inacceptable; ils s’étaient conduits comme des gosses insolents et irresponsables. Les ‘vous-êtes-gentils-tout-plein’ expliquèrent le pourquoi de leur décision.

Ils ne savent pas si l’Aréopage les a écoutés, ni si elle a compris que l’unique but de leur comportement avait été de soutenir l’Organisme qui désirait un Fonctionnement-nouveau-décidé-par-tous-dans-le-plus-grand-enthousiasme.

Ce qu’ils savent, cependant, c’est que les Grands-Malins sont très malins : ils ont réussi à s’exonérer d’une décision de leur leader dans un contexte embrouillé récent sans être remis en question officiellement pas l’Organisme s’étant doté du Fonctionnement-nouveau-décidé-par-tous-dans-le-plus-grand-enthousiasme.

Ils savent aussi que les Grand-Malins veulent très très fort leur exclusion de l’Organisme.

Les ‘vous-êtes-gentils-tout-plein’ ont peur de ne pas très bien comprendre comment s’applique le Fonctionnement-nouveau-décidé-par-tous-dans-le-plus-grand-enthousiasme :

Ils se demandent avec inquiétude si c’est la raison du plus fort qui est toujours la meilleure ?
Ils pensent à la fable Le jardinier et son seigneur. Ils méditent La grenouille et le rat.
Ils craignent la disparition de l’Organisme nouveau car :

« Corsaires à corsaires,
L’un l’autre s’attaquant, ne font point leurs affaires. »

(in Tribut envoyé par les animaux à Alexandre )

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